Les sociétés de production suisses Zodiac Pictures et Hugofilm Features s'associent à des partenaires autrichiens et allemands et créent le réseau DAS DACH. Entretien avec Reto Schaerli de Zodiac Pictures et Noah Bohnert d'Hugofilm Features.

De quel besoin est né DAS DACH?  

Le secteur du cinéma et des séries est en pleine mutation, et la Suisse n'est pas épargnée. DAS DACH est né du besoin de faire face de manière proactive aux nouveaux développements en regroupant les forces de sociétés de production indépendantes de premier plan en Allemagne, en Autriche et en Suisse, tout en préservant leur indépendance. 

Comment en est-on arrivé à la composition des partenaires ? Le groupe a-t-il vocation à s'agrandir en perspective ?

Le groupe s'est constitué de manière organique. Chacune des sociétés participantes a une filmographie impressionnante. Il y a déjà eu et il y a encore diverses coproductions entre les membres, en majorité dans le domaine du long métrage, comme par exemple «Heidi», «Lovely Louise», «Der Räuber Hotzenplotz» ou «Töte mich», avec à chaque fois une participation suisse de Zodiac Pictures ou Hugofilm Features. L'objectif était de transposer ces relations de travail existantes dans un cadre plus large et plus structuré et d'élargir et d'approfondir ainsi la collaboration. Le réseau vient de se constituer et aucune extension n'est prévue pour l'instant. Mais une expansion n'est pas non plus explicitement exclue pour l'avenir. 

Comment peut-on s'imaginer une collaboration entre les membres ?

Les sociétés de production participantes ont des échanges réguliers, de sorte que tous les producteurs et productrices peuvent profiter des contacts et du savoir-faire entre elles·eux. Un fonds de développement commun doit permettre de soutenir des projets à un stade précoce de leur développement qui, de l'avis des producteurs, présentent un potentiel dans l'ensemble de l'espace DACH et se prêtent à la coproduction.

 

Y a-t-il déjà des projets en cours de développement ou de production ?  

Il y a déjà de nombreux projets réalisés et en cours de financement que les entreprises de DAS DACH ont coproduits ensemble. À l'avenir, il est prévu d'y ajouter des séries et des films de cinéma, qui seront développés par le biais du fonds de développement commun. 

Comment chaque société de production peut-elle profiter de cette alliance ?  

Chaque société de production profite du savoir-faire et du réseau des autres sociétés. Elle peut conserver son indépendance tout en étant un partenaire plus important et international au sein du réseau. De plus, elle reçoit à un stade précoce un précieux feedback de la part de collègues expérimenté·e·s sur ses propres idées et projets en termes de contenu et d'adéquation au marché.

 

Comment une société de production suisse en particulier peut-elle profiter de la fusion dans le contexte européen ? Que peut-elle apporter en particulier ?  

Les changements décrits au début ont des effets différents dans chacun des pays concernés. Les défis auxquels sont confrontés les producteur·trice·s suisses ne sont pas identiques à ceux de l'Autriche ou de l'Allemagne, mais tous·tes profitent de la coopération commune. La Suisse, par exemple, est en avance sur les autres pays avec l'obligation de réinvestissement pour les plateformes de streaming qui entrera en vigueur en 2024, mais n'a pas (encore) de soutien judicieux aux séries pour le moment. En ce qui concerne le cinéma, tous les pays concernés doivent faire face à une évolution des besoins du public. Considérer l'espace DACH comme un seul marché peut aider à compenser les défaillances ainsi que les changements dans les différents pays et à réagir à l'arrivée d'acteurs mondiaux sur le marché. 

 

Des événements communs sont-ils prévus ?  

Nous sentons un grand intérêt pour DAS DACH, peut-être parce que les créateur·trice·s ainsi que les représentant·e·s des institutions de soutien et des diffuseurs réalisent, tout comme nous, que les conditions générales de la création de films et de séries sont en train de changer. Nous avons déjà reçu des demandes pour des tables rondes et sommes ouvert·e·s à partager nos réflexions et nos approches. À moyen terme, DAS DACH souhaite devenir une voix écoutée lorsqu'il s'agit de questions relatives à la production dans l'espace germanophone.

Quel pourrait être l'impact de l'alliance sur l'accès aux subventions ?

Les conditions et les critères des financeurs ne changeront pas directement en raison de notre réseau. Les membres continuent d'agir en tant que sociétés de production indépendantes. Mais peut-être que des approches comme DAS DACH peuvent aider à trouver des moyens d'éliminer à l'avenir les mauvaises incitations du système de soutien. Si nous pensons justement à la production verte, les obligations de dépenses en vigueur des différentes aides dans les coproductions internationales conduisent parfois à un gaspillage des ressources. Il va de soi que les organismes de soutien doivent évoluer à différents niveaux en fonction de l'évolution du marché et répondre à de nouveaux besoins afin d'être prêts pour l'avenir de la création cinématographique et sérielle suisse dans le contexte national et international.