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Editorial

Un coup de jeune

Une des vidéos qui circulent actuellement sur le Net montre Lili Hinstin flânant sur la Piazza et au bord du lac de Locarno, répondant nonchalamment à des questions sur son lieu de prédilection, son genre cinématographique préféré ou sa chanson du moment (« Au Baccara» du groupe français Odezenne). Elle se montre tout aussi abordable pendant notre entretien, notamment quand elle évoque les longues soirées d’été au festival de Lussas, passées à regarder et à discuter des documentaires, et les nuits sur un matelas dans une grange. Lili Hinstin semble à l’aise dans tous les registres, mais quand la Parisienne de 42 ans se met à parler de films, c’est bien une directrice que l’on entend. Elle exprime sa cinéphilie avec toute l’éloquence d’une intellectuelle française, avec - comment dire - une certaine classe.

Les premières réactions ont naturellement concerné sa sélection. Les médias ont parfois relevé, non sans agacement, que le cinéma suisse n’a eu droit à aucun traitement préférentiel. Le programme de la Piazza est plutôt pauvre en films suisses, tout aussi rares dans les autres sections. Lili Hinstin a déclaré lors de la conférence de presse qu’elle ne comptait pas inclure de films suisses dans le programme simplement parce qu’ils sont suisses : « Il convient d’utiliser des critères qualitatifs et non diplomatiques.» En réalité, le nombre de productions suisses est à peine plus faible que du temps de Carlo Chatrian et les grosses pointures ne manquent pas, comme Samir avec «Baghdad in My Shadow» ou Eric Bergkraut et Ruth Schweikert avec «Wir Eltern». Vérifiez par vous-mêmes!

Lili Hinstin s’est également attaquée à un point sensible: l’importance pour le festival d’attirer le jeune public. Ce problème concerne la plupart des festivals de cinéma, ainsi que d’autres institutions culturelles. Certaines sections, comme Pardi di domani et Cineasti del presente, présentent des premiers et deuxièmes films et sont prisés des jeunes, mais la moyenne d’âge à Locarno tourne autour de 50 ans. L’année dernière, le festival, secondé par la SUPSI, a réalisé une étude sur son public, rassemblant des données sur le sexe, l’âge ou la provenance des spectateur·trice·s. Les chiffres montrent que ce sont les personnes âgées de 46 à 65 ans qui constituent le groupe d’âge le plus important, avec 38,3% du public. 56,4% des visiteur·euse·s ont plus de 45 ans, les moins de 30 ans ne représentent que 25,6% de l’audience.

Depuis quelques années, Locarno s’efforce donc d’attirer un public plus jeune. Le « Youth Advisory Board », un groupe international formé de huit jeunes, conseille le festival pour la troisième année consécutive sur les façons d’améliorer l’offre pour les spectateur·trice·s de leur classe d’âge. La « Summer Academy » s’adresse aussi aux jeunes professionnel·le·s.

Deux autres projets viennent s’ajouter à cette liste cette année, tous deux initiés par Locarno Pro sous la direction de Nadia Dresti. Le Base Camp permettra à environ 230 jeunes créatif·ive·s de visiter le festival pratiquement sans dépenser d’argent en leur offrant non seulement l’abonnement, mais encore l’hébergement, petit-déjeuner compris, dans une ancienne caserne de Losone. Le coût d’un séjour à Locarno est effectivement un facteur, quand on sait que les chambres d’hôtel y sont rares et chères. Le deuxième projet s’intitule U30, il s’agit d’une plateforme internationale de discussion destinée aux professionnel·le·s de moins de 30 ans (pour en savoir plus sur ce programme de trois jours, consultez notre nouvelle rubrique Post-scriptum en fin de numéro).

Il ne fait aucun doute que de telles initiatives constituent une offre attrayante pour les jeunes créatif·ive·s, mais il s’agit encore de trouver d’autres moyens pour rajeunir le public du festival, en l’attirant avec les films d’art et essai et l’ambiance propre à Locarno, et avec la promesse de se reposer des petits écrans omniprésents le reste de l’année.

 

Kathrin Halter

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