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Editorial

Au-delà des chiffre

Les salles de cinéma ont repris leur souffle, selon ProCinema : en 2023, le nombre de spectateur·rice·s a augmenté de 20 % par rapport à 2022, atteignant plus de 10 millions d’entrées dans tout le pays. Bien sûr, ces chiffres restent bien inférieurs à ceux d’avant la pandémie. Toutefois, il est indéniable que le cinéma n’est pas mort ; il représente aussi une véritable bouffée d’oxygène dans un contexte de crises humanitaires et de guerres. Selon les dernières statistiques, « Bon Schuur Ticino », de Peter Luisi, fait désormais partie du Top 10 (établi depuis 1976) des films suisses les plus populaires. Début mars, il cumulait près de 339’000 spectateur·trice·s dans tout le pays, dépassant le très populaire « Platzspitzbaby », de Pierre Monnard. Bien qu’il ne soit pas une adaptation d’un livre ou d’une histoire vraie, le film de Luisi a connu un grand succès grâce à sa représentation comique des barrières linguistiques. D’autres œuvres ont également bien fonctionné auprès du public, et il n’est désormais pas rare de voir des cinémas d’art et d’essai ainsi que des multiplexes pleins à craquer.

Il ne s’agit pas tant d’une victoire pour les exploitant·e·s et toute l’industrie que d’un acharnement face à l’adversité. Les travaux de rénovation et d’agrandissement du cinéma Capitole de Lausanne, le plus grand de Suisse, sont enfin terminés, lui permettant ainsi de devenir le nouveau « phare » de la Cinémathèque suisse. Le public s’est déjà mobilisé pour assurer son succès lors de son premier week-end d’inauguration en février. Autre fait marquant, avant même l’ouverture de la nouvelle édition des Rencontres 7e Art dans ce joyau, près de 9000 billets avaient déjà été vendus en ligne, soit plus que le total de l’année dernière. Dans quelques semaines, le festival Visions du Réel de Nyon entrera à son tour en piste, et il est certain que ce dernier, à sa manière, profitera de cette vague positive. À l’heure où nous discutons des avancées dans le domaine des casques de réalité virtuelle et de l’intelligence artificielle (IA), il est évident que l’expérience collective a encore de beaux jours devant elle.

Le cinéma touche les gens à travers les émotions. Malgré la crainte de nombreuses personnes de voir la machine remplacer un jour – ou bientôt – les professionnel·le·s ou les artistes, on s’accorde jusqu’à présent sur le fait qu’une œuvre émotionnellement touchante ne peut être créée que par un être humain. L’IA peut simplifier les processus, les rendre moins coûteux, c’est certain. Mais elle peut aussi élargir l’expérience cinématographique et répondre aux besoins d’un nouveau public aux attentes variées. La Hochschule für Film und Fernsehen de Munich mène des recherches sur la possibilité de rendre la musique de film accessible aux personnes malentendantes. Comment traduire le rythme et l’atmosphère ? Pour que l’on prenne conscience de tels chantiers, il ne faut pas abandonner l’expérience collective au cinéma. C’est là seulement que l’hétérogénéité du public apparaît. Et, il est important de le souligner une fois de plus, malgré le risque de paraître sentimentaux, la culture demeure l’une des formes les plus efficaces et enrichissantes de cohésion sociale. Il suffit de regarder autour de soi pour constater qu’elle est plus que jamais nécessaire.

 

Teresa Vena et Adrien Kuenzy

Rédaction en chef

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