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15 février 2016

Comme bon nombre de mes collègues du milieu du cinéma suisse, ce fameux 9 février 2014, je me trouvais à la Berlinale. L’adoption de l’Initiative contre l’immigration de masse nous laissa cois. Dix-neuf mille voix firent la différence. Les conséquences sont connues : nous avons été exclus des programmes MEDIA, et notre participation au nouveau programme-cadre de l’Union Européenne, « Creative Europe » (qui n’est pas limité au seul encouragement du cinéma, mais concerne tous les secteurs culturels), a été reportée à un lointain avenir. Depuis, nos films ne bénéficient plus du soutien européen. Dans la foulée, il est devenu sensiblement plus difficile pour les films suisses de trouver des distributeurs et acheteurs européens. Il est également devenu plus difficile de montrer nos films dans les festivals européens soutenus par le programme MEDIA (ces festivals doivent montrer un important quota de films européens, par conséquent les films suisses postulent pour les places restantes en compagnie de tous les films en provenance d’Amérique, d’Asie et d’Afrique). Si par exemple, un distributeur européen a le choix entre un film suisse et un film polonais qui lui plaisent tous deux, il se décide désormais clairement pour le film polonais : cela lui permet d’un côté de générer les subventions issues du programme MEDIA qu’il pourra réinvestir, de l’autre côté il peut justement investir de telles subventions dans ce film. Par conséquent, l’achat d’un film « européen » lui revient nettement moins cher que l’acquisition d’un film suisse. Les responsables de Swiss Films ont de quoi dire sur les ennuis que nous cause cette exclusion de MEDIA.

Dans quelques jours, le 28 février 2016, aura une nouvelle fois lieu un scrutin décisif : celui de la soi-disant « Initiative de mise en œuvre ». Or ce choix lexical de « mise en œuvre » est mensonger : il suggère qu’il s’agit de l’entrée en vigueur de l’initiative sur le renvoi, or en réalité, il ne s’agit pas d’une mise en œuvre de cette législation, mais de son durcissement. C’est une « initiative de désintégration » sociale selon laquelle près d’un quart de notre population se verrait privée de ses droits fondamentaux. Des étrangers coupables de délits mineurs seraient assimilés à des criminels et expulsés sans discernement. Cela est contraire aux droits humains et aux valeurs de la Suisse. Cela ferait de nous un Etat isolationniste et égoïste. Cela plomberait nos relations avec l’Europe et le reste du monde. En tant que citoyen de ce pays, je ne veux pas accepter cela. Nous n’avons pas le droit de nous laisser aller à l’impuissance ou à la léthargie face à cette évolution, nous ne pouvons ni l’ignorer ni la banaliser.

De manière générale, ce sont notre pays, nos concitoyens et notre vie en société qui me préoccupent dans cette affaire, au-delà des intérêts particuliers. Néanmoins, dans le cas où l’initiative serait acceptée, cela aurait une nouvelle fois un impact néfaste sur la branche cinématographique. Certes, cette fois ce serait moins visible : nous avons déjà été éjectés du programme MEDIA. Mais cette nouvelle détérioration ne ferait qu’envoyer un nouveau signal de notre fermeture vis-à-vis de l’étranger et des étrangers. Il n’en deviendrait que plus difficile de reprendre les négociations et de réintégrer les programmes d’encouragement européens. Cela ne concerne pas seulement le domaine de la culture, mais aussi la recherche et les échanges de notre jeunesse. A long terme, les répercussions de cette politique et de cette exclusion des réseaux ne feraient que s’accentuer. Et n’oublions pas : une forte proportion des professionnels du cinéma en Suisse est issue de l’immigration, notamment parmi les scénaristes, les réalisateurs et les acteurs. Sans eux, le soi-disant cinéma suisse n’aurait jamais la force et la richesse culturelle qu’il a aujourd’hui.

C’est pourquoi j’estime indispensable que chacun de nous qui est pour une raison ou une autre en possession d’un passeport suisse en fasse usage et aille voter. Et que nous invitions notre entourage – nos amis, nos connaissances, notre famille – à faire de même. L’indifférence, l’abstinence cynique n’ont pas lieu d’être. C’est le peuple qui décide, pas le Parlement ! Car comme on le sait, là-bas l’initiative n’a pas reçu le soutien de la majorité !

Il y a néanmoins lieu d’espérer que l’initiative ne passe pas. Mais il ne faut pas se leurrer : chaque voix compte. Cela, nous sommes bien placés pour le savoir, nous qui sommes fréquemment aux prises avec les décisions des commissions des organismes d’encouragement, souvent prises de justesse mais non moins critiques pour autant…

Stefan Haupt

 

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