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Les Belges demandent 15% d’investissement aux streamers

Pascaline Sordet
01 février 2022

«Into the Night», première série belge francophone produite par Netflix. © Netflix

Alors que leur version de l'obligation de réinvestissement pour les plateformes de streaming est effective, la branche audiovisuelle belge francophone pousse pour une augmentation de son taux à 15%, au lieu du maximum à 2,2% décidé en avril 2021.

Les Suisses devront voter la loi sur le cinéma en mai, avant que la branche puisse espérer voir les streamers investir dans la production nationale. Pendant ce temps, les pays voisins continuent de négocier leurs relations avec les plateformes.

Autre pays bilingue et de petite taille, la Belgique s’apprête à voir affluer l’argent des streamers pour la première fois. Pour l’instant, le taux maximum d'investissement obligatoire, qui est progressif, est fixé à 2,2 % lorsque le chiffre d’affaires est supérieur à 20 millions d’euros. De quel montant la profession va-t-elle profiter en tout ? Impossible de le savoir pour l’instant, les plateformes ayant jusqu’au 15 février pour dévoiler leur chiffre d’affaires. Celles qui ne le feront pas devront payer une somme forfaitaire de 3 millions d’euros.

Le décret «Services médias audiovisuels» permettant cette obligation d’investissement a été adopté en avril 2021. Il concerne les «services de médias audiovisuels, télévisuels ou sonores, linéaires ou non linéaires» ainsi que les «éditeurs de services, fournisseurs de services de partage de vidéos, distributeurs de services, opérateurs de réseau, fournisseurs de services de communications électroniques» qui ciblent le marché belge francophone.

Le décret reprend et adapte la législation européenne et impose également aux plateformes de diffuser au minimum 30 % d’œuvres européennes, dont un tiers d’initiative belge francophone (soit 10 % de l’ensemble des œuvres). Comme l’explique la synthèse officielle du décret, « ce quota est en outre évolutif et voué à croître jusqu’à atteindre 40 % cinq ans après l’entrée en vigueur du décret ».

 

Contrer une hémorragie de production vers la France

Comme le rapporte le journal Le Soir, la branche juge les taux retenus par le décret trop bas, notamment en comparaison avec la France, et craint une fuite des productions francophones vers son grand voisin. Jean-Yves Roubin, président de l’UPFF (Union des producteurs francophones de films), a déclaré au journal que « l’audiovisuel français va recevoir une montagne d’argent de ces plateformes. Vu la porosité culturelle, économique de la frontière entre la France et la Belgique, le risque est grand de voir tous nos talents – réalisateurs, scénaristes… – partir travailler là-bas ».

Cet argument est également utilisé en Suisse. Il a notamment été soulevé pendant les Journées de Soleure lors d’une table ronde intitulée «La menace politique». Si on ne veut pas que ce soient les Allemands qui fassent le grand documentaire sériel sur Roger Federer et les Français un thriller haletant sur le CIO, la Suisse aurait intérêt à corriger la distorsion de concurrence que génère les obligations d'investissement de nos voisins.

 

Elever les taux et favoriser les majoritaires

Pour revenir à la Belgique, mi-décembre, un groupe de travail réunissant tous les acteurs impliqués dans le cinéma a trouvé une position commune qui sera soumise au corps politique. Le Soir en a obtenu les grandes lignes : supprimer le plafond de 2,2%, rajouter des paliers, fixer un taux maximum à 15% pour les éditeurs qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 120 millions.

Autre nouveauté rapportée par le journal: une obligation dans l’obligation. Le groupe de travail propose d'exiger qu’un tiers du montant des investissements se fasse dans des productions belges majoritaires. Une manière pour les Belges de s’assurer de ne pas devenir de simples exécutants pour les productions françaises, allemandes ou italiennes venues chercher l’argent du tax shelter.

Le décret 2021 en chiffres

Le montant de la contribution doit représenter, au minimum:

0% de son chiffre d’affaires si celui-ci se situe entre 0 et 300 000 euros
1,4% de son chiffre d’affaires si celui-ci se situe entre 300 000 et 5 millions d’euros
1,6% de son chiffre d’affaires si celui-ci se situe entre 5 et 10 millions d’euros
1,8% de son chiffre d’affaires si celui-ci se situe entre 10 et 15 millions d’euros
2% de son chiffre d’affaires si celui-ci se situe entre 15 et 20 millions d’euros
2,2% de son chiffre d’affaires si celui-ci est supérieur à 20 millions d’euros

Si une entreprise concernée par le décret refuse de communiquer son chiffre d’affaire, il devra s’acquitter d’une contribution de 3 millions d’euros.

Le décret complet est accessible ici.

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