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Le court-métrage est-il trop bureaucratisé?

Geri Krebs
14 novembre 2018

L'Industry Lab 2018 aux Kurzfilmtage de Winterthur

Vendredi 9 novembre, quatre représentants d'institutions suisses d'encouragement du cinéma se rencontraient à l'ancienne caserne de Winterthur dans le cadre de l'Industry Lab 2018. La table ronde se penchait sur les mécanismes, instruments et stratégies d'encouragement du court métrage suisse, format encore trop peu reconnu.

La modératrice Lucie Bader (responsable de publication de Cinébulletin), a d'abord invité les quatre hommes à présenter leurs institutions respectives, en mettant l'accent sur les aspects quantitatifs du soutien aux courts métrages. Martino Froelicher, chef de projet de la fondation lucernoise Albert Koechlin, a reçu la parole en premier en tant que dernier venu sur la scène de l'encouragement au cinéma. Cela ne fait pas longtemps que la fondation Albert Koechlin est active dans le domaine et elle y joue un rôle relativement mineur. Les fonds dont elle dispose sont modestes, ce qui selon Froelicher s'explique au vu du contexte: une récente étude révèle qu'en comparaison avec le reste du pays, la Suisse centrale est la région qui dépense le moins pour la culture par habitant. Or la fondation Albert Koechlin s'engage justement pour un changement à ce niveau. Chaque année elle octroie un soutien de 15'000 CHF chacun à quatre projets différents pour le développement. En outre la fondation a lancé en 2015 une compétition annuelle destinée aux jeunes réalisateurs de courts métrages de Suisse centrale, dont le lauréat se voit décerner la somme de 50'000 CHF sous forme d'aide à la production.


En contraste, la Zürcher Filmstiftung, représentée à Winterthur par son directeur sortant Daniel Waser, dispose en moyenne par année de 170'000 CHF exclusivement destinés à la production de courts métrages. Et le budget de la Confédération, représentée par Sven Wälti, responsable Film à la SRG et chef du Pacte de l'audiovisuel, et Matthias Bürcher, collaborateur scientifique auprès de l'Office fédéral de la culture (OFC) pour la promotion de l’investissement dans la cinématographie en Suisse et responsable des coproductions minoritaires, s'élevait à 1,45 millions de CHF pour l'année 2017 pour le seul court métrage. Ce qui n'est certes pas grand chose en comparaison avec les 27,5 millions dépensés annuellement par la SRG pour l'ensemble de l'encouragement au cinéma.


Le public a salué une remarque de Martino Froelicher quant à la nécessité de davantage valoriser le court métrage, et a également approuvé son argumentation selon laquelle dans le monde littéraire, on ne récompense par les auteurs de nouvelles avec des prix moins signifiants que ceux que l'on décerne aux auteurs de romans. Mais derrière ce consensus, le débat a néanmoins révélé certains points de discorde. L'intervention la plus résolue est venue de la part de la jeune réalisatrice Corina Schwingruber, qui déplorait la nécessité pour les cinéastes débutants de devoir justifier d'une entreprise de production inscrite au registre du commerce afin de pouvoir déposer une demande de soutien. Selon elle cette contrainte peut être désastreuse, et elle y voit un obstacle inutilement élevé pour les personnes souhaitant travailler dans un cadre restreint. Corina Schwingruber, dont le dernier opus «All Inclusive» était en compétition cette année à Venise et à Toronto, est l'une des réalisatrices les plus primées de Suisse dans la catégorie du court métrage. Elle a insisté sur le fait que la bureaucratisation croissante de ces dernières années a dissuadé de nombreux jeunes réalisateurs, qui renonceraient dans ces conditions à demander un soutien auprès des organes en question.


A cela, Sven Wälti a répondu que «l'argent dont disposent toutes les personnes sur ce podium provient de fonds publics, et nous avons un engagement à tenir vis-à-vis de la création cinématographique professionnelle». Matthias Bürcher était du même avis: c'est justement dans l'intérêt des cinéastes que la structure doit être claire et contraignante. La discussion se serait peut-être passée un peu différemment si elle avait eu lieu deux jours plus tard - on n'objectera certainement pas à ce que l'Etat surveille de près les deniers publics, pour autant que cette prudence ne s'arrête pas aux jeunes cinéastes, mais vaille également pour les déplacements en hélicoptère des épouses de certains officiers de haut rang.

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