Aujourd’hui, le documentaire n’est plus le genre de prédilection des cinéphiles assidus uniquement. Alors qu’ils représentent moins de 1 % des recettes du box-office mondial, les documentaires - unitaires ou en séries - représentent 15 à 20 % de la programmation des grandes plateformes de streaming (Netflix, HBO, Amazon Prime, Disney +...). On parle évidemment ici d’un grand maelström d’œuvres slalomant entre les portraits de Billie Eilish et de Joe Exotic, le « roi des tigres ». Une jungle bigarrée, qui revisite parfois grossièrement le genre, mais dans laquelle se nichent aussi des pépites réalisées au long cours (« The Jinx », « Wild Wild Country », « Knock Down The House »...). Des réussites incontestables qui interpellent et ouvrent de nouveaux espaces aux aventures entre le film et le réel.
En Suisse, les chaînes de la SSR (RTS, SRF, RSI) ont saisi la balle au bond et se sont mises à produire des documentaires en série taillés pour la consommation VOD, à la faveur de la nouvelle plateforme PlaySuisse. « Crime », par exemple, propose dans cette optique une série sur les affaires judiciaires suisses non résolues.
Les films d’investigation ayant leur épicentre en Suisse sont également nombreux, leurs enjeux traversent presque toujours nos frontières. La finance, les pharmas, les organisations internationales, les fédérations sportives sont logées au cœur de l’Helvétie et aiguisent la curiosité. Nous l’avons observé avec « Le Business du sang », une enquête documentaire sur les agissements d’une entreprise pharmaceutique schwytzoise qui a été diffusée dans trente pays. « La finance lave plus vert » sur le greenwashing de la place financière bientôt visible sur les canaux européens, illustre tout autant l’implication centrale de la Suisse dans des problématiques mondiales.
Parfois ardues, ces thématiques gagnent à être prises en main par des réalisateur·trice· s qui travaillent en cinéastes. C’est-à-dire en mettant en œuvre un savoir-faire à l’image et une qualité de la narration autrefois réservés au seul grand écran. Pour nous producteur·trice·s, pouvoir revendiquer cette exigence, c’est aussi pouvoir s’appuyer sur des professionnel·le·s et une industrie ancrée dans notre économie locale.
C’est l’un des enjeux de la nouvelle loi sur le cinéma qui favorise l’accès des histoires swiss made aux plateformes internationales. Nos pays voisins l’ont compris depuis longtemps. Sans attendre, il s’agit de dépasser la question des canaux de diffusion et nous donner les moyens d’élargir l’horizon.
Valentina Zingg, Secrétaire générale de Pro Short
02 novembre 2021
Mischa Schiwow, Frenetic Films
06 avril 2021