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Is anyone out there ?

Catherine Ann Berger Directrice de Swiss Films
11 février 2021

La directrice sortante de l'agence de promotion jette un regard sur l'année écoulée et en tire quelques enseignements.

2020 a été l’année des extrêmes. Couronné dans les festivals, le cinéma suisse a connu des déboires au box-office à cause de la pandémie : « Schwesterlein », par exemple, est le premier film suisse à être sélectionné en compétition à la Berlinale depuis sept ans, mais sa sortie en salle en automne a dû être interrompue du fait de la situation sanitaire. 75% des festivals dans le monde ont eu lieu en ligne ou sous une forme hybride, 10% ont été complètement annulés. Seuls 15% ont pu se tenir avec l’implémentation de mesures sanitaires. L’année 2021 n’est pas mieux partie. A cause de la pandémie et du géoblocage, Sundance est contraint de se limiter au territoire des Etats-Unis. La Berlinale, elle, envisage une formule en deux temps, avec le European Film Market (EFM) en ligne début mars, et le festival en juin, en physique et avec public.
Quelles relations entretiendront à l’avenir festivals, marchés et cinémas ? Verra-t-on les marchés s’émanciper du contexte des festivals ? Les festivals seront-ils à la fois une manifestation pour un public d’habitué·e·s sur place, et un événement en ligne destiné au public international ? Les cinémas devront-ils développer leur propre offre de cinéma-sur-demande ? Une chose est claire : la pandémie accélère les tendances déjà à l’oeuvre.
La Suisse loin de l'Europe
L’année dernière a vu naître des initiatives pour mettre sur pied une plateforme digitale européenne, avec pour objectif de faire tourner le marché sur l’ensemble de l’année et de vendre des films de manière continue au niveau mondial. Si l’idée a été saluée sur le principe, la disparité des réalités et des sensibilités européennes a mis un frein à son implémentation. La Suisse dans tout ça ? Repliée derrière ses frontières, à l’écart du marché européen, ce qui n’est pas d’un grand secours. En France et en Allemagne, le marché du cinéma a chuté d’environ 70% l’année dernière, et le nombre de sorties en salle de films suisses dans ces deux pays s’est réduit de moitié comparé aux années précédentes. Un film qui n’avait pas le statut de coproduction n’avait pratiquement aucune chance au niveau international en 2020. Dans le même temps, Netflix a enregistré un bond de 41% de son chiffre d’affaires, et MUBI a vu doubler son nombre d’abonné·e·s. La bonne nouvelle est donc que le public est là. Nous devons maintenant partir à sa recherche.
Un film sans public est comme un poisson sans écailles. Il reste terne, ne chatoie pas, ne reflète pas la lumière. Les films ont besoin d’être projetés en public. Personnellement, je crois que la montée en puissance des plateformes de streaming ne risque pas davantage de faire disparaître les salles de cinéma que la naissance du cinéma n’a marqué la fin du livre. Mais la question centrale est plus brûlante aujourd’hui que jamais : comment les films trouvent-ils leur public, au-delà des algorithmes des plateformes en ligne ?
Des compétences digitales nécessaires
En Europe, il va falloir se pencher beaucoup plus sérieusement sur les notions d’impact et d’outreach producing. Il faudra également intégrer dans les équipes des professionnel·le·s disposant de compétences en marketing numérique. Une pratique généralisée dans le monde anglophone, qui ne connaît pas les subventions publiques. On commence à trouver des agences compétentes en Europe aussi, capables d’aider à positionner un film sur le marché avec un savant mélange d’online et d’offline.
Les marchés restent fortement liés aux festivals, qui sont à leur tour ancrés dans des lieux spécifiques. L’objectif est une gestion durable grâce à une analyse intelligente des chaînes de causalité et l’optimisation de l’exploitation à travers un lobbying judicieux. Il n’est pas interdit de vouloir gagner de l’argent avec un film. Et non, ces spécialistes ne font pas de mal au contenu ! Oui, ils et elles aiment vraiment le cinéma d’art et essai européen, et savent qu’avec un mélange de créativité et d’innovation, il est possible d’avancer sur tous les fronts : d’intégrer les festivals, de conquérir les marchés, de remplir les salles et de séduire les spectateur·trice·s. N’est-ce pas là ce que nous voulons tou·te·s ?
Départ de Swiss Films
A ce propos, « Schwesterlein » est toujours en lice pour un Oscar. Ce serait une belle récompense pour le duo de réalisatrices Stéphanie Chuat et Véronique Reymond et leur productrice Ruth Waldburger si leur film pouvait refaire un tour de piste en février pour sortir ensuite en salle.
Quant à moi, le temps est aussi venu de faire un tour – après huit ans de travail passionnant et intensif, je quitte Swiss Films pour prendre un congé sabbatique. Je tiens à remercier les professionnel·le·s du cinéma pour la confiance qu’ils et elles m’ont témoignée ainsi que pour leur vision, leur courage et leur volonté de travailler sans relâche à créer des images fortes pour raconter les histoires de notre époque. Nous nous reverrons bientôt au cinéma.
▶ Texte original : allemand

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