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« Nous ne soutenons pas des entreprises»

Kathrin Halter
13 novembre 2017

Daniel Waser, secrétaire général de la Zürcher Filmstiftung, sur le renforcement du soutien au développement, les jeux vidéo, les commissions, le Fast Track et la responsabilité des producteur.trice.s.

Le nouveau règlement prévoit de renforcer le soutien au développement. Cela signifie-t-il que plus de projets seront soutenus au moment du développement qu’en phase de réalisation ?
Oui. Jusqu’à présent, on tournait autour de 50-50 : on soutenait à peu près autant de projets au développement qu’à la réalisation. En ce qui concerne le documentaire, nous recevions même moins de demandes pour le développement que pour la réalisation de projets. Nous voulons changer cela. Nous aimerions soutenir environ 50% des demandes d’aide au développement et 35% des demandes pour la réalisation.

Pour un projet de fiction, on pourra déposer une demande de soutien dans un premier temps au niveau de l’exposé, puis du traitement ou du concept, et enfin, sur la base d’un scénario, pour la préparation du tournage. Pourquoi toutes ces étapes ?
Le seuil des niveaux 1 et 2 est très bas. Nous prévoyons aussi de recevoir davantage de demandes à un stade plus précoce. Le but est de permettre le développement d’un plus grand nombre de sujets, et l’écriture de plus d’exposés et de traitements dont certains seront – pourront – être abandonnés en cours de route.

Suivez-vous en cela la formule hollywoodienne souvent citée, selon laquelle 100 scénarios donneront dix films, dont un aura – peut-être – du succès ?
Ce sont des chiffres un peu élevés, mais en principe pourquoi pas ? Nous avons créé une sorte d’entonnoir, qui devient plus compétitif d’étape en étape. En même temps, ce tableau à trois niveaux doit servir de guide pour la demande de soutien.

L’entonnoir dont vous parlez existe-t-il aussi au niveau de l'ouverture aux nouveaux formats ?
Oui. Dans les premières phases du développement nous voulons être très ouverts aux formats les plus variés. L’idée est de soutenir des sujets, même si leur forme finale n’est pas encore clairement établie. Par exemple, un exposé pour un documentaire pourra déboucher sur un film destiné au cinéma, à la télévision ou à internet.

La contribution maximale à la réalisation s’élève désormais à un million de francs. L’objectif est-il d’octroyer un soutien plus important à un plus petit nombre de projets ?
Pas tout à fait. Nous voulons soutenir à peu près le même nombre de projets qu’auparavant, mais mieux ; en d’autres termes, nous disposons de plus d’argent pour le même nombre de projets : en 2015 et 2016, treize projets. Mais ce n’est que dans les cas exceptionnels qu’un projet sera soutenu à hauteur d’un million. D’une part, il faut tenir compte du facteur régional : un million signifie que nous devons dépenser 1,5 millions dans la région. Par ailleurs, en l’absence d’autres soutiens, notre participation est en principe limitée à 50% du budget. Pour obtenir un million de francs de la part de la Fondation, le budget total du projet doit donc être d’au moins deux millions.

Des voix se sont fait entendre pendant « Connect to reality » au ZFF pour réclamer que les producteur.trice.s dont les projets ont du succès soient automatiquement soutenu.e.s, et vice versa. Qu’en pensez-vous ? 
Cela sonne bien, mais personne n’a été capable de m’expliquer à quoi cela ressemblerait en pratique. Nous évaluons des projets individuels, nous ne soutenons pas des entreprises. D’ailleurs, cela vaut dans les deux sens : si quelqu’un propose un projet qui n’est pas convaincant, le succès de son dernier film lui sera de peu de secours. Et quand quelqu’un se présente avec une bonne idée après une traversée du désert, pourquoi ne pas lui donner une nouvelle chance ? Cette notion de l’arrosoir, selon laquelle chacun serait soutenu à son tour, est biaisée. Il existe des mécanismes correcteurs, même s’ils ne sont pas nécessairement apparents. Selon moi, c’est un mythe de penser que le système maintient tout le monde sous perfusion. Je crois plutôt que tous restent en piste.

Les jeux vidéo restent exclus du nouveau règlement, au développement aussi bien qu’à la réalisation. Pourquoi cela ?
La Fondation ne peut pas soutenir de jeux vidéo, c’est clairement stipulé dans la décision du Conseil d’Etat sur l’augmentation du crédit alloué au cinéma. Il faudrait d’autres bases pour cela. Le nouveau règlement concerne des œuvres de nature narrative ou expérimentale conçues pour une « réception passive ». Les jeux n’entrent pas dans cette définition. Le règlement exclut aussi les projets artistiques comme les installations.

Mais il existe des jeux qui répondent à des exigences artistiques. N’est-ce pas anachronique de les exclure alors qu’on s’ouvre sur le 360 degrés ou la réalité virtuelle ?
La directive du Conseil d’Etat de novembre 2016 indique explicitement que l’augmentation du crédit alloué au cinéma sert à garantir et à développer l’encouragement au cinéma en vigueur, et ne permet pas le soutien des jeux vidéo. C’est pourquoi l’initiative pour une nouvelle loi sur le cinéma et les médias demande entre autres une plus grande flexibilité à ce niveau-là, et une meilleure correspondance entre les fonds du PICS et ceux de la promotion culturelle. La Fondation ne peut pas résoudre ce problème – en fin de compte c’est une question politique. Le Conseil d’Etat nous charge d’utiliser les fonds pour « l’aide culturelle au cinéma ». Le fait qu’il nous soit possible d’avoir une plus grande ouverture envers les nouveaux formats est déjà un grand pas dans la bonne direction.

Allez-vous faire appel à des expert.e.s pour l’évaluation des projets utilisant les nouveaux formats comme par exemple le transmédia ?
Oui. Nous continuerons d’avoir deux commissions distinctes pour la fiction et la non-fiction, qui évaluent les projets sous l’angle du contenu et de la dramaturgie. A mon sens, les principes dramaturgiques restent plus ou moins les mêmes indépendamment du format choisi. Mais nous avons besoin de spécialistes pour évaluer la structure de production, les questions d’ordre technique, ou certains aspects liés au budget et au financement. On trouve là des différences fondamentales entre un film de fiction, un long-métrage d’animation ou un projet de réalité virtuelle. Nous aurons aussi une commission dédiée aux demandes de soutien pour le marketing et la promotion des films.

Que pouvez-vous dire du Fast Track ?
Le Fast Track est un concours, avec un jury différent à chaque fois. Une personne, ou un groupe, lira le projet et donnera une recommandation basée exclusivement sur des critères artistiques. Cela va dans le sens d’un système d’intendance - nous voulons essayer cette autre forme d’évaluation. Un premier appel à projets est prévu pour le début de l’été. Si la demande est forte, un deuxième suivra la même année. Nous entrons là en territoire inconnu.

Le Fast Track est destiné aux œuvres qui présentent un aspect technique novateur ou qui sont particulièrement exigeantes du point de vue artistique. On peut donc imaginer un soutien pour quelque chose qui est techniquement novateur sans être convaincant du point de vue artistique ?
Exactement. « Late Shift » est un exemple de projet qui correspond mieux au Fast Track qu’aux outils d’encouragement habituels. A l’époque, la Fondation avait été séduite par son côté techniquement novateur, mais n’était pas convaincue par le contenu et la dramaturgie du projet et ne lui a pas octroyé de soutien. Le projet multimédia « Polder » est un autre exemple qui a eu du mal avec les structures de soutien traditionnelles.

 

▶  Texte original: allemand

 

Le budget augmente

Depuis 2017, les fonds à disposition de la Zürcher Filmstiftung ont augmenté : 3 millions de la part du Canton de Zurich et 1,5 millions de la Ville. Cette hausse a permis à la Fondation d’augmenter son budget d’encouragement de 10 millions à 12,4 millions de francs. 2,1 millions serviront à assainir la structure de financement de la fondation. Jusqu’en 2021, l’argent du canton provient des fonds de la loterie. Ce qui suivra est encore ouvert.

L’initiative cantonale zurichoise « Pour une nouvelle loi sur le cinéma et les médias », déposée en mars 2016 avec tout juste 9'000 signatures, demande l’inscription dans la loi cantonale de l’encouragement au 7ème art, aux jeux vidéo répondant à des exigences artistiques et aux médias interactifs. L’idée est de soutenir les « nouvelles formes artistiques de l’ère numérique ». Le projet de loi est actuellement en discussion au sein de la commission de l’éducation et de la culture. On ne sait pas encore quand il sera soumis au Grand Conseil, et aucune date n’a encore été fixée pour le référendum.

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