MENU FERMER

Loi zurichoise sur le cinéma rejetée: et maintenant?

Kathrin Halter
12 février 2019

«Glaubenberg» de Thomas Imbach a reçu des subventions de la Zürcher Filmstiftung.

L'encouragement de la culture au niveau cantonal n'est assuré que jusqu'en 2021 et provient principalement des réserves du Fonds de loterie. Une solution politique est urgente.

On parlait de traitement de faveur, on mettait en garde contre d'âpres luttes entre les différents secteurs culturels pour la répartition des moyens financiers. Le Tages-Anzeiger appelait même la proposition pour une nouvelle loi sur le cinéma et les médias un « inquiétant produit de l'époque » parce que la branche cinématographique aspirait à une position privilégiée relativement à d'autres secteurs culturels, favorisant ainsi la « désolidarisation ».

L'initiative demandait la reconnaissance officielle du cinéma, des jeux vidéo et de l'art numérique ainsi que l'inscription de leur financement dans la loi. Que s'est-il passé ? Lors du rejet massif du projet le 23 septembre (plus de 80% des votant·e·s ont dit non), les sceptiques n'ont pas été les seuls à se sentir confirmés : rétrospectivement, on a l'impression que tout le monde l'avait vu venir.

Dans tous les cas, le résultat du vote précipite le principal instigateur de l'initiative, Zürich für den Film, dans une crise. L'association a d'ores et déjà effectué un sondage parmi ses membres pour connaître leur avis sur le travail du comité et du président, leur interprétation du résultat du scrutin ou encore s'ils sont de l'avis que le développement des jeux vidéo doit être pris en compte dans le budget de l'encouragement au cinéma. Les résultats de l'enquête seront présentés à la prochaine assemblée générale au printemps.

« A-t-on encore besoin de nous ? » se demandait Simon Hesse, coprésident de l'association et l'un des initiateurs du projet, lors du Filmtalk de janvier. Il discutait avec Andrew Katumba, le deuxième coprésident, la développeuse de jeux Philomena Schwab et Hans Läubli de Pro Kultur Kanton Zürich des répercussions du résultat du vote et de l'avenir de la politique d'encouragement dans le canton de Zurich.

 

Une solution est nécessaire

Car la question est urgente. L'encouragement de la culture au niveau cantonal n'est assuré que jusqu'en 2021 et provient principalement des réserves du fonds de loterie. A Zurich, on attend avec impatience qu'une nouvelle législation régisse les fonds de loterie. Elle existe déjà sous forme de projet, mais ne sera probablement examinée qu'en mai par le Grand Conseil et le Conseil d'Etat.

Il est dans l'intérêt de la culture que le budget soit assuré en premier lieu par des fonds publics. La promotion culturelle est du ressort de l'Etat, puisqu’elle est inscrite comme telle dans la Constitution du canton. Et puis les revenus provenant des réserves des fonds de loterie ne sont pas garantis. L'initiative a au moins clairement souligné cette problématique.

A ce jour, les débats au sein du monde politique au sujet du budget sont peu prometteurs: selon le plan financier publié le 3 septembre, le Conseil d'Etat du canton de Zurich prévoit de réduire la promotion culturelle publique de 3,3 millions de francs dès 2022.

 

Promotion culturelle à deux piliers

Quelle sera la suite des événements? Et comment éviter cette réduction budgétaire ? Pro Kultur Kanton Zürich, groupement d'intérêt fondé il y a tout juste un an et dont font partie la Zürcher Filmstiftung et Zürich für den Film, a une réponse à ces questions. L'association propose une stratégie basée sur les intérêts communs et se décrit comme « la voix de tous les secteurs culturels, de la ville et de la campagne, de la culture populaire et de la culture d'élite ». Du petit ciné-club Xenix au puissant Opéra, la plupart des institutions et associations culturelles de renom, ainsi que de nombreux·euses professionnel·le·s de la culture, sont rassemblés dans l'association.

Pro Kultur revendique un « principe de promotion culturelle à deux piliers », selon lequel la culture serait (comme c'était le cas jusqu'en 2015) inscrite dans le budget ordinaire et financée par des fonds publics. Le fonds de loterie, le deuxième pilier, ne serait que subsidiaire et destiné à l'encouragement de projets spécifiques. Pro Kultur demande en même temps une hausse des subventions pour la culture, soit une part de 30% de l’argent total de la loterie, au lieu des 20% prévus dans le projet de loi qui sera normalement déposé en mai.

Pro Kultur estime qu'une nouvelle loi n'est pas nécessaire. L'Opéra continuera de recevoir des subventions d'exploitation ancrées dans la loi, et le reste de la promotion culturelle institutionnelle proviendra de fonds libres du budget ordinaire. Ce n’est pas pour autant que Pro Kultur demande peu. L'association exige que ces fonds libres de la promotion culturelle soient multipliés par deux pour atteindre 46 millions de francs. En même temps, les subventions d'exploitation de l'Opéra ou du Théâtre du canton de Zurich, inscrits dans la loi, ne doivent pas être touchées. Dans une prise de position de 2017, le PS du canton demande lui aussi l'augmentation de la part du budget allouée à la culture de 1% à 2%.

Dans le cas d'une augmentation, des fonds devraient également être libérés pour soutenir le développement de jeux vidéo. C'est une condition posée par la branche du cinéma, qui craint que l'inclusion des domaines des jeux et de l'art numérique ne vienne ronger les subventions destinées à l'encouragement du cinéma.

La campagne référendaire aura au moins eu pour mérite d'avoir lancé ce débat, et de faire circuler de nouvelles idées pour un encouragement du cinéma axé sur l'avenir.

 

▶  Texte original: allemand

160 millions pour la culture

Le Canton de Zurich dépense 160 millions de francs pour la culture, dont 85 vont à l'Opéra et 50 aux villes de Zurich et de Winterthur sous forme de compensation des charges culturelles. Des 23 millions restants destinés à la scène indépendante, 5,5 sont réservés à l'encouragement du cinéma (et donc à la Zürcher Filmstiftung), soit 4% des dépenses culturelles. Le budget de la Filmstiftung s'élève à 12,4 millions de francs. La différence de 7 millions provient de la Ville de Zurich.

Pourquoi tant d'argent pour l’Opéra ? Les grandes institutions coûtent toujours plus cher que les salles indépendantes ou les subventions ponctuelles. Tout comme le Kunsthaus, le Schauspielhaus ou la Tonhalle sont du ressort de la ville, l’exploitation de l’Opéra est de la compétence du canton depuis les années 1980. Son budget dépend donc d'une volonté politique, dont la pertinence est parfois remise en cause.

Vous vous interesser au cinéma suisse ?

Abonnez-vous!

Voir offre