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Pourquoi nous collaborons avec les autres

Teresa Vena
13 janvier 2023

Image tirée de « This Kind of Hope », de Pawel Siczek. © Journées de Soleure 2023

Sans elles, la cinématographie suisse serait plus pauvre. Les coproductions sont essentielles pour la visibilité du cinéma suisse à l’échelle internationale. Elles permettent également les échanges créatifs et contribuent à renforcer la diversité de l’offre culturelle.

Le chef de la section Cinéma de l’Office fédéral de la culture (OFC), Ivo Kummer, met en garde contre une utilisation inconsidérée du terme de coproduction, qui devrait être réservé aux projets officiellement désignés comme tels par l’OFC. Dans les autres cas de figure, il faudrait parler de collaboration, de cofinancement ou de participation.

La notion est importante dans la mesure où seules ces coproductions reconnues entrent dans le circuit d’exploitation, de promotion et de réinvestissement soutenu par les autorités. Elles bénéficient d’aides comme Succès Cinéma ou Succès Festival, elles entrent dans le catalogue de Swiss Films, elles laissent des traces dans les statistiques permettant de déterminer la part de marché des films suisses en Suisse et à l’étranger ou leur participation à des festivals internationaux.

 

Un produit d’exportation

Comme Swiss Films ne fait généralement pas de distinction entre production suisse et coproduction majoritaire, on ne connaît pas les chiffres au film près. Mais la tendance est nette : parmi les films suisses sélectionnés dans les festivals internationaux, les coproductions sont omniprésentes. En 2021, sur 56 films, 18 sont des coproductions minoritaires, et environ 20 autres des coproductions majoritaires. Même tendance au niveau des résultats de box-offices internationaux. Les coproductions sont en tête de la liste des films suisses qui réalisent le plus grand nombre d’entrées : sur 250’000 billets vendus mondialement pour 50 films suisses exportés, 120’000 étaient à mettre sur le compte de la coproduction minoritaire avec l’Italie « Ariaferma ». Les coproductions jouent donc un rôle important pour la perception internationale du cinéma suisse.

Les coproductions ne reflètent bien sûr qu’une partie de la production indigène. Il est intéressant de constater la grande disparité entre les fictions et les documentaires : alors qu’environ 60 % des fictions voient le jour grâce à des coproductions, 80 % des documentaires sont réalisés uniquement avec des fonds suisses.

 

Accords stratégiques

Si nous voulons qu’un grand nombre de coproductions voient le jour, il est nécessaire de rendre la Suisse attractive à ce niveau-là. Les coûts de production, plus élevés ici, représentent aussi un obstacle, tout comme la position exceptionnelle de la Suisse par rapport à l’Union européenne. Même si la Suisse participe à Eurimages et à la Convention européenne sur la coproduction cinématographique du Conseil de l’Europe, elle demeure exclue de la majorité des mesures. Il est donc nécessaire de conclure des accords stratégiques. Nous en avons notamment avec l’Allemagne, la France et l’Italie, nos partenaires de coproduction les plus fréquents. L’un des objectifs de ce type d’accord est la réciprocité : lorsqu’un pays partenaire produit un ou plusieurs films en Suisse, celle-ci s’engage à produire un ou plusieurs films dans ce pays à un pourcentage de participation comparable.

 

La Suisse a besoin de coproductions

Pourquoi l’encouragement au cinéma accorde-t-il une telle importance aux coproductions ? L’explication souvent avancée est l’impossibilité pour la Suisse d’assumer seule le financement nécessaire à la production des 20-26 fictions par année. Mais cet argument est-il valable ? On pourrait imaginer d’investir dans la production indigène la totalité de l’argent qui entre et qui sort avec les coproductions.

Faisons le calcul : 19,8 millions de francs ont été investis en 2021 dans le seul encouragement sélectif, auxquels s’ajoutent les fonds en provenance de la télévision et des instances cantonales d’encouragement. Soit, pour 2021, un montant total de 86,6 millions de francs d’encouragement public ou parapublic.

Les grosses productions sont, on le sait, plutôt rares. « Grounding » (2006), de Michael Steiner, avec un budget de 4 millions de francs, est une exception. « Zwingli » (2019), de Stefan Haupt, qui a coûté 6 millions, ou « De Räuber Hotzenplotz » (2022) de Michael Krummenacher, 9 millions, ont été coproduits avec l’Allemagne. « Si nous ne financions qu’une poignée de films à gros budget, nous manquerions de soutenir la diversité de l’offre, inscrite dans la loi et essentielle pour notre pays », explique Laurent Steiert, responsable suppléant de la section Cinéma de l’OFC.

 

Échange culturel

Laurent Steiert fait référence aux raisons immatérielles qui plaident pour les coproductions. Le nouveau directeur artistique des Journées de Soleure, Niccolò Castelli, lui fait écho : « L’échange mène à la diversité », affirme-t-il. Plusieurs des longs métrages sélectionnés à Soleure sont des coproductions. La « suissitude » d’un film ne dépend pas en premier lieu de la nationalité de son auteur·trice. Il n’existe pas une seule et unique « identité suisse » aujourd’hui. Quelqu’un qui a été socialisé en Suisse, ou qui a passé ici des années de formation, peut avoir une perspective suisse sur un sujet. C’est le cas du film d’ouverture « This Kind of Hope ». Le documentaire coproduit par la Suisse et l’Allemagne, signé par le réalisateur suisse-polonais Pawel Siczek, pose un regard sur l’histoire et l’actualité du Bélarus. Cas de figure similaire avec « Until Branches Bend », premier long métrage de la Suissesse Sophie Jarvis, établie au Canada.

Aux influences intellectuelles réciproques s’ajoute une dimension profes- sionnelle. À la lumière des effets attendus de la « Lex Netflix », un enrichissement des réseaux de la branche cinématographique suisse permettra peut-être de désamorcer les craintes régulièrement exprimées quant au manque de relève.

Merci Lucie !

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