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Festivals: on ne peut pas tout faire à la fois

Marianne Wirth et David Wegmüller, direction artistique des Journées de Soleure
06 janvier 2022

Le rituel chemin de lampions à l'ouverture des Journées de Soleure. © moduleplus

En 2021, les Journées de Soleure, comme tant d’autres festivals, ont dû se tenir en ligne. Mais le format numérique n’est qu’une solution de secours, et la formule hybride ne doit pas devenir la norme quand un festival peut avoir lieu en présentiel.

Cette année, nous avons plusieurs fois dû considérer la possibilité, pour l’édition 2022, de proposer nos contenus en ligne en complément au festival physique. Pourquoi ne pas faire de nécessité vertu et tirer profit de la « transformation numérique », le maître-mot actuel ? La première voiture hybride, la Toyota Prius, a été lancée sur le marché en 1997. Elle incarnait la promesse de la nouvelle économie : la technologie permettrait de propulser les ventes de voitures. Le raisonnement qui sous-tend les appels à organiser des festivals hybrides est tout aussi tangible.

Les manifestations culturelles, dont les Journées de Soleure, sont plébiscitées par le public. C’est une bonne chose et il s’agit de maintenir cette tendance à la hausse, mais les records d’affluence ont peu de chance d’être battus par les temps qui courent. La tentation est donc grande de poursuivre la croissance par d’autres moyens. « L’espace numérique » semble offrir des possibilités illimitées : on rend les films « disponibles » en ligne et on comptabilise le nombre de clics. Et comme avec la Prius, on vante la plus grande durabilité de cette consommation, qui permet d’économiser les ressources en regardant les films depuis chez soi.

Une grande enquête du Monde diplomatique montre que ce calcul ne tient pas la route. Le numérique représente 10 % de la consommation d’électricité de la planète. En plus de l’infrastructure sur place, un festival hybride nécessite des serveurs, de la capacité de streaming, des technologies de communication. Celleux qui revendiquent un catering végétarien sur les tournages au nom d’un cinéma plus vert devraient aussi remettre en question le démantèlement des projections physiques au profit des plateformes de streaming.

Les arguments contre le modèle hybride ne sont pas seulement écologiques. Ce n’est qu’en étant présent·e·s, en se côtoyant dans la rue, les bistrots, les salles de cinéma, que les spectateur·trice·s vivent la dimension communautaire du festival, a fortiori dans une petite ville comme Soleure. Quand les lumières s’éteignent, les regards n’ont pas d’autre choix que de converger vers l’écran. Impossible de s’éloigner en un clic si le film met du temps à démarrer. Quand les lumières se rallument, les cinéastes sont là pour dialoguer avec le public. Et lorsqu’un film fait salle comble, sa valeur augmente.

Nous avons entendu à maintes reprises de la bouche des cinéastes à quel point le rituel du passage en festival est essentiel, pour elleux-mêmes et pour leurs films. à quel point iels y tiennent! Un streaming en HD ne transmet pas la sensualité, une conférence Zoom n’apporte pas de plus-value sociale.

Et en cas de nouveau confinement ? Alors les Journées se tiendront uniquement en ligne et nous ressentirons cruellement l’absence de tout ce qui fait un festival : les rendez-vous et les rencontres fortuites, la concentration, l’expérience partagée, toustes ensemble dans un même espace. Voilà ce que nous représentons, et ce pour quoi nous nous engageons. 

 

Texte original allemand

Pour aller plus loin

Atelier de la pensée aux Journées de Soleure
« Festivals de cinéma en endémie : stratégies de la réduction »

25 janvier, 18 h à 19 h 30
Landhaus

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