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Fin des commissions pour l’aide à l’écriture

Pascaline Sordet
13 novembre 2017

Le Conseil de fondation de Cinéforom a voté à l’unanimité la modification des mécanismes d’aide à l’écriture et au développement. Dès janvier, les projets ne passeront plus devant la commission sélective.

Rédiger un dossier, une note d’intention, un premier budget, guetter le calendrier des commissions, déposer et attendre le verdict. Ce processus familier disparaît, dès janvier, pour toutes les demandes d’aide à l’écriture et au développement auprès de Cinéforom. L’organisme a décidé de changer son fonctionnement et passe à un modèle automatique qui encourage les investissements. Concrètement, un producteur qui souhaite obtenir des fonds pour l’écriture devra engager une somme provenant d’un de ses comptes de soutien (Succès Cinéma, Succès Passage Antenne, Succès Zurich ou compte de soutien Cinéforom), qui sera doublée par l’institution – sans aucune ingérence dans le développement. La limite est fixée à 30'000 francs par projet pour la fiction.

Ce changement intervient dans un contexte où la plupart des organismes de financement constatent une surcharge de travail pour les commissions, due au nombre élevé de demandes. « Nous avons cherché comment améliorer la professionnalisation de la branche et à encourager les auteur.e.s, réalisateur.trice.s et product.trice.s à faire de vrais choix, plutôt que de lancer des projets et d’attendre les avis des commissions sélectives », explique Gérard Ruey, secrétaire général de Cinéforom. Pour lui, si le système suisse pouvait aller vers plus d’automatisme, comme dans certains autres pays d’Europe, ce serait favorable au développement de la branche. «Je n’aurais pas dit ça il y a quelques années, mais nous avons peut-être trop pris en compte l’élément purement culturel et créatif et insuffisamment la structuration de la branche. »

Les mécanismes automatiques existent déjà à Cinéforom – sous l’appellation « soutien complémentaire » - et permettent de compléter les sommes déjà engagées par l’OFC ou la SSR dans le cadre du Pacte de l’audiovisuel. A noter aussi que les valorisations du succès mises en place par les différents organes et sur lesquelles les changements de Cinéforom s’appuient sont aussi des systèmes automatiques. La discussion sur les mérites des systèmes automatiques, comparés aux systèmes sélectifs, est la même depuis longtemps : « Il y a une frilosité des auteur.e.s, qui pensent que l’automatisme donne trop de poids au producteur.trice. Mais ces deux corps de métier ne sont pas ennemis, ils sont une paire indispensable ! »

Consultation éclair

Avant de soumettre le projet au vote du Conseil de fondation, deux associations que Cinéforom considère comme étant les relais des professionnels ont été consultées : Fonction Cinéma et l’AROPA. Toutes deux se sont dites favorables au changement à la fin du mois d’août.

L’AROPA compte dans ses rangs toutes les personnes ayant reçu des soutiens de Cinéforom dans le passé, donc des producteur.trice.s ou des auteur.e.s-producteur.trice.s. Le comité* ayant été élu, il a voté sans organiser de consultation élargie de ses membres, qui ont été informés par la suite. «Nous n’avons pas accepté ce changement par facilité, explique Joëlle Bertossa, productrice et coprésidente de l’AROPA, au contraire, il précarise plutôt notre situation. Il limite également les projets qui s’autoproduisent et la charge des commissions. » En tant que productrice, elle estime logique de renforcer le rôle de la production dans le financement des films, puisqu’elle assume la responsabilité financière du projet.

Juste avant le vote, au début du mois d’octobre, un groupe de professionnel.le.s a adressé une lettre au Conseil de fondation de Cinéforom et au comité de l’AROPA, signée par 95 personnes, pour signaler ses inquiétudes face à ce changement. Les signataires demandaient le report du vote et une meilleure consultation de la branche. Ils pointent notamment la difficulté pour les producteur.trice.s émergent.e.s d’accéder au soutien et des aides non pas en fonction de la qualité de chaque projet, mais des succès passés de la société de production. « Il y a toujours des inquiétudes au début, des questions, et puis ensuite, la branche fait preuve d’une capacité d’adaptation remarquable », répond Gérard Ruey. Quant aux personnes qui souhaitent se lancer dans la production, Cinéforom et l’AROPA soulignent qu’elles pourront toujours se tourner vers l’OFC, la SSA ou le Pour-cent culturel Migros pour financer des premiers projets.

Le secrétariat de Cinéforom évaluera ce nouveau mécanisme dans un premier rapport intermédiaire, probablement à la fin de l’année 2018, et procèdera si nécessaire à des ajustements. Les projections réalisées sur les bases des chiffres de 2012 à 2016 montrent qu’une aide automatique aurait soutenu 193 projets au lieu de 140, répartis sur 74 sociétés différentes au lieu de 61 actuellement.

* Selon ses statuts, le comité de l’AROPA doit compter des membres des associations nationales, actuellement Fonction Cinéma, l’ARF/FDS, le GARP, le SFP, le GSFA/STFG et l’IG.

 

▶  Texte original: français

 

Les buts recherchés

  • Accélérer: Les producteur.trice.s n’auront plus besoin d’attendre des réponses des commissions pour se lancer dans le développement d’un projet.
  • Collaborer: Le binôme producteur.trice-auteur.e est renforcé si les commissions n’ont plus leur mot à dire sur de potentielles réécritures et ne peuvent plus servir d’excuse pour abandonner un projet.
  • Assurer: Le travail des auteur.e.s est rémunéré avec transparence puisque les producteur.trice.s ne pourront pas utiliser plus de 15% du budget de développement pour leurs salaires et frais généraux.
  • Inciter: Les producteur.trice.s qui mobilisent leurs fonds sont récompensés puisque plus ils engagent d’argent, plus ils en reçoivent.
  • Former: Un.e jeune auteur.e a tout intérêt à rejoindre une structure existante plutôt qu’à monter sa propre boîte de production.

Les questions en suspens

  • Animation: Les courts-métrages ne sont bonifiés que grâce au Succès Festival, ce qui place les animateur.trice.s dans une position extrêmement délicate, d’autant plus que leurs projets demandent des phases de développement importantes.
  • Succès: Lorsque de nombreux films ont du succès en même temps, les bonifications de Succès Cinéma baissent, parfois jusqu’à 40% du montant promis, ce qui impacte les ressources disponibles et la planification.
  • Disponibilité: Il serait souhaitable que l’accès au compte de soutien puisse se faire en cours d’année, par exemple avec un système d’acompte en anticipant sur les entrées de l’année.
  • Explosion: Si les producteur.trice.s investissent massivement dans le développement de films, les fonds de Cinéforom pourraient ne pas suffire.
  • Entreprise: Au moment de lancer une société de production, un.e producteur.trice qui ne dispose pas encore de compte de soutien ne pourra plus se tourner vers Cinéforom au moment du développement.
  • Redevance: L’existence de Succès Passage Antenne est évidemment liée à l’avenir du Pacte de l’audiovisuel et donc de la SSR, dont le sort se jouera lors de la votation du 4 mars.

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