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« Je vois le film comme un moyen d'accompagner les expériences de la vie »

Propos recueillis par Adrien Kuenzy
04 mai 2023

Peter Mettler, au moment de recevoir son prix lors du festival nyonnais. © Kenza Wadimoff

Selon le Suisso-canadien Peter Mettler, lauréat du Grand Prix à Visions du Réel avec son film « While the Green Grass Grows »,  il faudrait faire davantage confiance aux processus créatifs alternatifs. Interview. 

C'est la deuxième fois que vous remportez le Grand Prix de la Compétition Internationale Longs Métrages. Comment vous sentez-vous? 

Je me sens chanceux d'avoir remporté le prix principal de ce festival deux fois dans ma vie. Je suis également heureux de voir que Visions du Réel continue à soutenir des œuvres qui repoussent les limites et soutiennent de nouvelles formes d'expression, qui sont le résultat de l'évolution de notre époque. « Gambling, Gods and LSD » et « While the Green Grass Grows » ont été pour moi des expériences sauvages en matière de processus et de stratégie. Tout le festival a été très agréable. J'ai eu l'impression, lors de cette première, de me retrouver à la maison avec trois générations de directeur·trice·s du festival ainsi que de nombreux visages amicaux du passé.

 

Ce dernier projet est très personnel. Comment l'avez-vous construit?

Au départ, il s'agissait d'un projet de série qui devait explorer le thème et l'expression « L'herbe est toujours plus verte ailleurs ». Bien qu'ayant fait l'objet de recherches, il s'agissait d'un projet exploratoire et non scénarisé, ce qui signifie qu'une chose me conduisait à la suivante. Un processus que j'ai appelé « expérientiel » et qui, selon moi, reflète mieux la façon dont nos vies se déroulent et dont nous construisons un sens à partir des nombreuses expériences et coïncidences qui se produisent.

 

Lire aussi : notre article Peter Mettler: « J’ai besoin de filtres qui me guident et d’autres qui m’ouvrent »

 

Peu de temps après avoir commencé, mon père est tombé malade et est décédé, et les années Covid ont suivi. Le projet a pris la forme d'un journal intime entre 2019 et 2021 et est resté chronologique. Donc oui, je filmais ma propre vie et certaines des personnes les plus proches de moi, tout en explorant de nouveaux domaines.

Actuellement, le film est divisé en 7 parties, avec des sujets et des décors différents, ce qui représente environ dix heures. À Nyon, nous avons projeté les parties 1 et 6, qui présentent un arc narratif et donnent une impression de la logique de l'ensemble.

 

Vous sentez-vous suffisamment soutenu par l'industrie cinématographique pour réaliser de tels films?

C'est une bonne question. Nous verrons comment les choses se passent maintenant avec la poursuite de ce projet. Nous avons reçu des réactions encourageantes de la part de différents acteur·trice·s de l'industrie. Juste avant Visions du Réel, ma productrice associée de longue date, Cornelia Seitler de Maximage, a rejoint le projet et a trouvé un soutien immédiat pour tout terminer avant la première.

 

Lire aussi : notre article « Le futur de la création documentaire »

 

J'ai le sentiment que de nombreuses personnes souhaitent soutenir ce travail et semblent prêtes à relever le défi de travailler avec la bureaucratie d'une nouvelle manière, qui puisse s'adapter à d'autres processus artistiques.

Dans mon cas, j'ai commencé seul, avec l'aide financière d'un ami, parce qu'il était difficile de financer une série exploratoire. Maintenant que nous sommes en mesure de montrer ce que nous avons réalisé, les gens nous rejoignent et pensent peut-être pouvoir faire davantage confiance à ce type de projet à l'avenir. En particulier avec des cinéastes qui ont fait leurs preuves dans le passé.

 

Dans votre cas, le choix de la forme est-il souvent guidé par le sujet?

Oui, absolument. L'environnement, l'individu, le son, la lumière, tous les éléments qui alimentent nos sens provoquent une réaction chez le cinéaste que je suis. C'est comme si vous improvisiez avec cet instrument qu'est le cinéma – ou essentiellement avec une caméra et un microphone. Vous enregistrez dans un flux temporel. Nous oublions facilement à quel point c'est extraordinaire. Nous pouvons enregistrer et reconstruire le flux du temps.

 

La façon dont vous voulez faire des films a-t-elle changé depuis vos débuts?

Je vois le film comme un support qui peut accompagner l'expérience de la vie. C'est à la fois un moyen d'expression et d'observation. La partie « vouloir » de votre question m'amène à penser que je suis moins préoccupé par ce que je veux exprimer que par le désir de capturer et d'expérimenter la révélation, pour moi-même et pour un public, de ce que nous sommes. Il s'agit moins de moi que de faire partie du médium qui enregistre l'histoire. L'histoire de la conscience, mais aussi des choses, des lieux, des histoires, etc.


Comment voyez-vous l'avenir du documentaire aujourd'hui?

Je pense que les gens ont de plus en plus la capacité de voir les choses à travers une multitude de couches. En même temps, je crains que la réalité n'existe à l'avenir davantage dans la tête et dans la technologie que dans le monde « réel » et son rythme naturel. En tant que cinéastes, nous avons déjà vécu cela dans nos carrières, pendant des décennies. À travers la façon dont nous pouvons vivre dans une salle de montage, à l'intérieur du matériel que nous avons filmé, en montant une expérience de cinéma pour un public dans une salle obscure. 

J'ai toujours aimé le nom du festival Visions du Reel, parce qu'il suggère exactement ce qu'il dit. Il y a plusieurs façons de voir la réalité. Un documentaire peut être un point de vue dans le sens d'une perception directe. Comme si nous voyions de l'intérieur de la tête. Cette perspective est de plus en plus reconnue et sophistiquée, je pense.

Les lauréat·e·s suisses de Visions du Réel

WHILE THE GREEN GRASS GROWS (Grand Prix de la Compétition Internationale)
Réalisation: Peter Mettler, 166 min., 2023

CHAGRIN VALLEY (Prix de la Compétition Nationale)
Réalisation: Nathalie Berger, 62 min., 2023

THE WONDER WAY (Prix spécial de la Compétition Nationale)
Réalisation: Emmanuelle Antille, 96 min., 2023

LA MAISON (Mention spéciale de la Compétition Nationale)
Réalisation: Sophie Ballmer, 40 min., 2023

Tous les prix 2023 se trouvent ici.

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