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Critique de films : les enjeux de la publication numérique

Sophie Dascal
30 avril 2019

A l’heure du tout numérique, il semble pratiquement impossible de publier sans prendre en compte les possibilités nouvelles offertes par le web. Quels sont les enjeux liés à la critique cinématographique, dans un contexte où tout un chacun peut partager son avis sur tout ?

Avec la popularité des réseaux sociaux et la facilité de production offerte par internet, le discours critique tend à se démocratiser et l’on retrouve aujourd’hui quantité d’opinions sur le net. Pour Johannes Binotto, spécialiste de la culture et des médias et collaborateur de Filmbulletin, cette ouverture va de pair, paradoxalement, avec un appauvrissement des discours radicaux. Pour illustrer son propos, il évoque un exemple en souriant : « j’adorerai qu’un critique provoque un débat en défendant envers et contre tous l’utilisation unique du gros plan. Il y aurait là une réelle prise de position et la possibilité de faire vivre un vrai débat. »

Le web améliore-t-il ou détériore-t-il les pratiques critiques ? De quoi parle-t-on lorsque l’on aborde la critique de film multimédia ? Ce sont à ces questions que les invités de la table ronde « Critical Clicks », organisée dans le cadre de la cinquantième édition de Visions du Réel et modérée par Pascaline Sordet, se sont confrontés.

D’après Giuseppe Di Salvatore, philosophe, co-fondateur et co-editeur du site Filmexplorer, la spécificité de la publication numérique se trouve dans sa capacité à générer du dialogue entre l’auteur et ses lecteurs. Si le contenu demeure classique, la manière de l’éditer doit être repensée afin de permettre une circulation du discours critique.

Web et critique, qu’une affaire de circulation ? Pour Ekkehard Knörer, fondateur de Cargo, pas seulement. Le web crée en plus une forme d’immédiateté. C’est dans cette idée qu’il a développé pour son site le « tweetcritique », une critique spontanée, courte et succincte, qui s’adapte particulièrement bien aux besoins particuliers des festivals, qui nécessitent une publication rapide, à la manière des réseaux sociaux.

Nadine Mai, fondatrice et rédactrice du blog « the art of slow cinema », n’est pas du même avis. Au contraire, le web permet, d’atteindre un public de niche qui attend des critiques de qualités et qui est prêt à s’investir dans une lecture plus exigeante. Elle va plus loin, en défendant l’idée que le format web permet de proposer une critique filmique qui va au-delà des limites imposées par le texte en jouant l’intrication entre les mots et les photogrammes. Une forme d’essai critique où l’image apporte autant que l’écrit, un espace où l’on peut prendre son temps pour ressentir le film.

C’est également l’avis de Johannes Binotto qui pratique l’essai vidéo comme forme de critique cinématographique. Il avance qu’un film n’a pas nécessairement besoin d’une critique à moins que la critique possède ses propres qualités et l’essai vidéo va dans ce sens.

Néanmoins, qui dit forme élaborée implique temps de travail plus long et donc moyens financiers plus conséquents. Et l’un des problèmes liés au domaine de la critique est justement la recherche de fonds. Cette discussion n’aura en tout cas pas épuisé le sujet et beaucoup de pistes numériques restent à explorer. En attendant, le texte semble rester la forme la plus efficace.

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