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Communication


05.06.2020

SuisseCulture fait un appel à l’ouverture de la session d’été : le secteur culturel a besoin du soutien du parlement maintenant !

À l’ouverture de la session d’été, nous, acteurs culturels de Suisse, lançons cet appel au Parlement : nous avons encore et toujours besoin du soutien de la Confédération et des cantons. C’est pourquoi nous comptons sur vous pour que, durant cette phase de réouverture prudente, il soit tenu compte de la situation particulière des acteurs culturels et des entreprises culturelles par des instruments qui répondent réellement aux besoins de notre secteur. Sans vouloir peindre le diable sur la muraille, force nous est de le constater : si elle n’est pas soutenue, la diversité culturelle de la Suisse est vouée à disparaître. Peu de gens en sont conscients, mais la branche de la création, dont fait partie le secteur culturel, génère une valeur ajoutée brute qui dépasse les 22 milliards de francs. Comme il ressort de la Statistique de la culture en Suisse qu’édite l’OFC,

  • en 2013, les industries culturelles et créatives de Suisse employaient plus de 275 000 personnes dans quelque 71 000 entreprises, ce qui correspond à plus de 10,9 % de l’ensemble des entreprises ;
  • avec 5,5 %, la part que les personnes employées dans cette branche représentent dans l’économie nationale est comparable à celle de branches comme la finance ou le tourisme ;
  • les industries culturelles et créatives génèrent un chiffre d’affaires global avoisinant 70 milliards de francs, produisant ainsi une valeur ajoutée directe et indirecte d’une ampleur considérable.

Mais au-delà de leur importance pour l’économie nationale, les industries culturelles et créatives de Suisse jouent un rôle essentiel pour la société dans son ensemble.

Loin de nous l’idée de revendiquer un traitement de faveur. Mais nous avons besoin de mesures qui tiennent compte de la situation particulière de la culture. Avec l’interdiction des manifestations décrétée fin février, le secteur culturel, et avec lui toutes les entreprises qui lui sont liées ainsi que les artistes, a été le premier à se voir privé de ses moyens d’existence. Comme l’a confirmé la conférence de presse du Conseil fédéral du 20 mai, il sera aussi le dernier à connaître un retour à la normale. Les conséquences économiques que subit le secteur de la culture n’apparaissent au grand jour que progressivement. Pour tout l’écosystème désigné par le terme de manifestation, le proche avenir reste un énorme défi, pour ne rien dire des conséquences à moyen et à long terme. Les acteurs culturels en subiront longtemps encore les répercussions ; il est donc impératif d’éviter à tout prix qu’ils ne se retrouvent dans une situation de détresse sociale.

Voici en quelques mots les mesures qui s’imposent :

  1. Maintenir l’allocation pour perte de gain COVID-19 pour les indépendants et adapter le système de manière à garantir un montant minimal et à permettre l’octroi d’allocations d’exploitation. Ce serait un système analogue à l’exemption de l’obligation de servir ; les allocations d’exploitation permettraient aux entrepreneurs individuels, non pas de tout juste survivre, mais de conserver leurs structures pour pouvoir poursuivre leur activité après la crise. Ce soutien doit être maintenu tant que le secteur des manifestations ne connaît pas le retour à la normale.

 

  1. Maintenir le chômage partiel pour les entreprises culturelles jusqu’au retour à la normale. Le chômage partiel doit rester possible aussi pour les personnes qui occupent une position assimilable à celle d’un employeur et pour leurs conjoints ou partenaires enregistrés occupés dans l’entreprise, faute de quoi un grand nombre de personnes directement concernées passeront à travers les mailles du filet. Cela comprend les acteurs culturels et les entreprises culturelles organisés en tant que personnes juridiques, et nombre de labels, agences, maisons d’édition, organisateurs de manifestations, prestataires, fournisseurs, etc. Tous ont ceci en commun que leurs principales possibilités de revenu dépendent directement de la possibilité pour leurs artistes de se produire. Le 20 mai, le Conseil fédéral a fait savoir que le droit extraordinaire à la réduction de l’horaire de travail pour les personnes qui occupent une position assimilable à celle d’un employeur serait supprimé à la fin du mois. Il faut absolument que cette décision, incompréhensible, soit annulée.

 

  1. Maintenir l’aide d’urgence pour les acteurs culturels ainsi que l’indemnisation des pertes financières (ordonnance COVID dans le secteur de la culture) jusqu’au retour à la normale, et relever le budget lorsque celui-ci est épuisé. Il est heureux que ces mesures, dont l’octroi est géré par Suisseculture Sociale et les cantons, aient déjà été prolongées jusqu’au 20 septembre. Mais il est clair, aujourd’hui déjà, que les fonds mis à disposition ne suffiront pas. Il est de la responsabilité de la Confédération et des cantons de parer au manque. Il ne s’agit pas ici de garantir des bénéfices, mais de maintenir les moyens d’existence des acteurs culturels et des entreprises culturelles ainsi que de leurs structures. En 2016, le salaire annuel médian des acteurs culturels professionnels était de 40 000 francs.
     
  2. Garantir aussi que tous les ayants droit puissent déposer leur demande d’indemnisation. La réglementation actuelle, qui ne permet qu’aux acteurs culturels ayant le statut formel d’indépendant d’accéder à cette prestation, exclut un groupe important de personnes concernées. D’où il ressort clairement que le secteur culturel est bien plus complexe que nombre d’autres secteurs. La diversité culturelle implique aussi une diversité et une grande flexibilité des prestations de soutien.

 

  1. Enfin, l’octroi via Suisseculture Sociale de l’aide d’urgence aux acteurs culturels doit aussi être garanti à long terme. Il est prévisible qu’en raison des particularités du système culturel, de nombreux acteurs culturels subiront à retardement les conséquences de la crise sanitaire, qui compromettront leurs moyens d’existence pendant de longues années encore. Il faut par conséquent s’attendre à ce que le nombre d’acteurs culturels en situation de détresse matérielle reste plus élevé qu’avant la crise. Il importe donc de garantir à long terme le financement de l’aide d’urgence pour les cas de rigueur, afin d’éviter que les conséquences indirectes de la crise sanitaire ne contraignent des acteurs culturels professionnels à recourir à l’aide sociale.

Ce sont là des demandes que, depuis le début de la crise, nous avons soumises à plusieurs reprises aux autorités responsables. Mais il n’y a été répondu que dans une mesure très limitée. C’est pourquoi nous comptons aujourd’hui sur la compréhension et le soutien du Parlement.

Nous vous prions, sur l’objet suivant, de voter dans l’intérêt du secteur de la culture :

  • CN 3.6.                 20.042  Budget 2020. Supplément IIa
  • CE 4.6.                  3.306 Office fédéral de la culture

A290 0109  Covid : Compensation du manque à gagner, entreprises et acteurs culturels

  •                              A290 0111  Covid : Associations culturelles, domaine amateur

 

  • Une proposition de biffer la compensation du manque à gagner a été présentée. Nous vous prions de la rejeter, car elle signerait l’arrêt de mort de la diversité culturelle de la Suisse. Nous pensons même que le montant prévu ne suffira pas

 

Nous vous recommandons en outre d’adopter les trois motions suivantes :


- 20.3466 Poursuite du versement de l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail

https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20203466

- 20.3467 Les indépendants directement ou indirectement touchés doivent continuer d’avoir droit à l’allocation pour perte de gain

https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20203467

- 20.3170 Des assainissements d’entreprises ciblés plutôt qu’une vague de faillites

https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20203170

Pourquoi cet appel urgent au début de la session d’été ?

« Nous ne vous laisserons pas tomber », nous a promis le Conseil fédéral lorsqu’il a décrété la fermeture de tout le secteur des manifestations et qu’ainsi, du jour au lendemain, des milliers d’acteurs culturels et d’entreprises culturelles se sont retrouvés sans revenu et sans travail. Dans les mois qui ont suivi, la Confédération, avec ses mesures, a tenu pour l’essentiel cette promesse, à quelques exceptions près. Mais de nombreux détails ont été négligés, si bien que beaucoup d’acteurs sont passés à travers les mailles du filet. Hélas, il est apparu très tôt que les autorités administratives, dans les domaines de l’économie et de la culture, n’étaient pas disposées à associer véritablement les organisations du secteur de la culture et des manifestations à la planification et à la mise en œuvre de leurs mesures. L’interlocuteur regroupant les milieux concernés, la task-force « Mesures Corona Culture », créée dans l’urgence, s’est retrouvée à plusieurs reprises mise devant les faits accomplis. Plus même, nos demandes de précisions sont régulièrement restées sans réponse, ou n’en ont reçu qu’avec un grand retard.

Cette piètre communication a eu pour résultat de miner la confiance des acteurs culturels et des organisateurs de manifestations, qui étaient prêts à croire à la volonté d’aider, mais qui ont été forcés de constater qu’ils étaient les oubliés du système d’aide mis en place pour lutter contre les conséquences économiques de la pandémie. L’intention proclamée du Conseil fédéral de préserver la diversité culturelle de la Suisse nécessite des solutions concrètes. Voici quelques exemples où de telles solutions font encore défaut :

  • les acteurs culturels qui ne sont pas engagés durablement et qui n’ont pas non plus le statut formel d’indépendant (travailleurs dits intermittents) ;
  • les acteurs culturels qui se sont organisés en tant qu’entreprise et sont de ce fait considérés comme « poursuivant un but lucratif » ;
  • les nombreux acteurs culturels qui travaillent dans leur propre Sàrl et qui ne peuvent pas faire valoir le droit aux APG en tant qu’indépendants. Ils n’auraient désormais plus droit non plus aux indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail. Un technicien événementiel indépendant peut continuer de toucher des APG, mais un technicien événementiel actif dans sa Sàrl individuelle n’aurait plus droit aux RHT ? Cela n’est pas défendable ;
  • les revenus dans le secteur de la culture varient fortement d’une année à l’autre : ne prendre que les revenus de la dernière année comme base de calcul de l’APG ne rend pas compte de cette réalité ;
  • les salons du livre et autres festivals qui, pour la branche du livre, sont l’occasion de nouer et d’entretenir de contacts dont le rôle est primordial, ont été annulés ; comment compenser les conséquences de ces annulations ?
  • les entreprises du domaine de la formation culturelle (par ex. écoles privées de musique, de danse, d’art ou de théâtre) ont été exclues des mesures de la Confédération en faveur de la culture ; de ce fait, leur existence même est compromise.

Une nouvelle phase commence maintenant avec l’assouplissement prudent des mesures, et elle est pour l’instant peu encourageante pour nous : là aussi, l’occasion a été manquée d’associer à temps les spécialistes de la branche et leur savoir-faire afin d’élaborer avec eux des lignes directrices réalistes pour la réouverture, qui tiennent compte de la diversité culturelle et qui auraient dissipé les incertitudes qui perdurent pour la branche depuis début mars. 

C’est pourquoi nous répétons notre appel : soutenez le secteur de la culture ! Vous contribuerez ainsi dans une mesure décisive à préserver la diversité culturelle de notre pays. Aidez-nous à faire en sorte que ce secteur et ses spécialistes soient nettement mieux associés aux décisions qui les concernent. Nous avons, d’urgence, besoin d’une communication régulière, sur un pied d’égalité, avec les services fédéraux compétents : OFC, OFAS et SECO. Nous ne demandons pas un traitement de faveur, mais simplement le même que celui dont bénéficient depuis longtemps d’autres secteurs comme le tourisme ou l’agriculture.