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Pour la professionnalisation de toute une industrie

Kathrin Halter
14 novembre 2019

Pierre Agthe, directeur de la fondation de formation continue et ancien «outsider» du cinéma suisse. © Focal

Focal existe depuis 1991. Pierre Agthe, ancien directeur de la fondation de formation continue, à la retraite depuis mars dernier, a fait partie de l’aventure pendant presque trente ans.

Quand on demande à Pierre Agthe de citer les rencontres qui ont marqué son parcours en tant que directeur de Focal, il mentionne le cinéaste burkinabé Gaston Kaboré, le réalisateur polonais Krzysztof Kieślowski, Slawomir Idziak ou encore Wojciech Marczewski, en compagnie duquel il a contribué à mettre sur pied le programme européen EKRAN. Les amitiés et les échanges interculturels qui ont vu le jour grâce aux projets en Afrique ou dans le Sud-Caucase lui tiennent beaucoup à cœur. Mais il chérit tout autant quelque chose de moins spectaculaire, à savoir la culture du travail en équipe qui existe au sein de la fondation, « la volonté des gens d’œuvrer vers un objectif commun ». Il avait été séduit d’emblée par le côté « communautaire » de Focal, par la hiérarchie horizontale de ce projet conçu entre pairs, par les professionnel·le·s de l’audiovisuel pour les professionnel·le·s de l’audiovisuel.

 

Les débuts

Avant la création de Focal, il n’existe que quelques rares séminaires financés par Suissimage, consacrés, par exemple, à l’écriture de scénarios. L’Association des techniciennes et des techniciens du film organise elle aussi chaque année un ou deux cours de formation continue. D’après Pierre Agthe, les années 1980 sont une époque difficile pour le cinéma suisse, le cinéma d’auteur·trice perd son public. Un groupe de travail autour d’Yves Yersin situe les pires lacunes au niveau de l’écriture de scénarios, de la production et de la mise en scène (direction d’acteur·trice·s). Pierre Agthe vient de quitter la direction d’un hôpital de jour pour enfants psychotiques quand on lui demande s’il serait intéressé de prendre la tête de la nouvelle institution de formation continue, qui recherche moins quelqu’un issu du domaine du cinéma que quelqu’un qui soit capable de « monter une boutique ». Le fait qu’il soit étranger au milieu joue même en sa faveur.

L’idée que les professionnel·le·s du cinéma doivent se former et se perfectionner ne va pourtant pas de soi. Le plus connu parmi les sceptiques est Alain Tanner, qui conçoit le cinéma comme un art et rejette l’idée selon laquelle la créativité pourrait se transmettre. Tanner estime que Focal est « une idée débile, pour ne pas dire dangereuse ». Pierre Agthe le cite aujourd’hui avec une ironie non dénuée de tendresse. Il a toujours aimé Tanner, et il comprend tout à fait sa crainte de la standardisation, débat qui a du reste fait rage dans les médias par la suite (et s’est essoufflé depuis). Il n’a jamais été question pour Focal d’une opposition (à connotations idéologiques) entre le cinéma-art et le cinéma-produit. Le souci de la fondation est simplement de proposer une offre de formation continue abordable et de qualité pour tous les corps de métiers, du développement à l’exploitation, et de faire le relais vers l’étranger. A ce jour, plus de 20'000 personnes ont profité de quelque 1'200 cours.

 

Ouverture sur l’Europe

Le programme, qui propose trois ou quatre séminaires durant son premier semestre, croît rapidement, notamment grâce au premier président de la fondation, Marc Wehrlin, qui s’engage au niveau fédéral pour la création d’un crédit séparé pour la formation continue. Focal dispose bientôt d’un million de francs en provenance de l’OFC et d’autres partenaires comme la SSR et certains cantons. Le fait qu’une institution financée par la Confédération garde son indépendance est unique en Europe – une source d’envie pour certains, précise Pierre Agthe.

L’orientation internationale de l’institution et ses contacts avec l’étranger, qui semblent aujourd’hui aller de soi, sont à porter au crédit de son ancien directeur. Lorsque en 2014, la Suisse s’est trouvée exclue du programme Media de l’Union européenne, Focal a encore élargi les programmes financés auparavant par Bruxelles. Depuis, grâce aux mesures compensatoires, les programmes Media pèsent plus de 400'000 CHF dans un budget total de 3 millions – soit près de deux fois plus qu’avant notre exclusion. Une fondation sœur, « Focal resource », a été établie en 2014 aux Pays-Bas « pour garder un pied en Europe », comme l’écrit Ivo Kummer dans un hommage à Pierre Agthe (à lire dans les archives de focal.ch).

Pierre Agthe estime qu’il faudrait maintenant un bond en avant, même si les rentrées d’argent sont plafonnées alors que les tâches ne font que croître. Mais ce n’est plus son souci. Pierre Agthe a tiré sa révérence à la fin du mois de mars, en même temps que le président Thomas Geiser. Ce sont les deux codirectrices Nicole Schroeder et Rachel Schmid qui ont pris la relève.

 

Dans un prochain numéro, les deux codirectrices présentent leurs projets.

 

▶  Texte original: allemand

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