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Le courage de se confronter à soi-même

Kathrin Halter
31 mars 2017

Trois questions à Tamara Trampe sur la subjectivité et la différence entre le documentaire d’auteur et le reportage de télévision.

A Nyon, vous parlerez de la subjectivité dans le documentaire. Qu’entendez-vous par cela ?

Je fais une différence entre documentation et film documentaire. La documentation a une base objective. Un reportage de télévision se penche sur une question donnée en tentant d’y apporter une réponse. Le cinéma documentaire est une forme d’art et exige donc une approche artistique.

Vous faites donc une différence entre un entretien issu d’une approche journalistique et une rencontre ?

Exactement. Mais ce n’est pas un jugement de valeur. Les deux genres sont tout aussi importants, ce sont simplement différentes manières de procéder. L’essentiel pour moi est la curiosité, l’esprit d’ouverture. Ce qui m’intéresse, c’est ce que nous avons en commun dans les questions que nous nous posons, dans nos vies, dans nos blessures. Je ne fais donc pas d’entretiens : je mène des conversations en cherchant un niveau sur lequel nous pouvons nous rencontrer, où peuvent naître les sentiments, la tendresse, la chaleur. Je suis très reconnaissante lorsque des personnes sont prêtes à me parler de leur vie. Je travaille des questions qui me préoccupent personnellement. Mais suis-je assez courageuse pour me confronter à moi-même, ou ne fais-je que questionner les autres ? Certains réalisateurs posent une même question cinq fois afin d’obtenir exactement la réponse qu’ils veulent. Cette approche m’est complètement étrangère.

Dans la description de votre atelier, on peut lire que « chaque matière exige une approche qui lui soit propre ». Est-ce vrai ? Ne recourt-on pas toujours aux mêmes formes, qui ont fait leurs preuves ?

Bien sûr, mais il est nécessaire de trouver une forme, pour soi-même et pour le sujet, qui corresponde. Et ça, c’est à chacun de la déterminer. Un film se fait trois fois : on recherche et on écrit, on réfléchit à sa forme, et on essaie de déceler le cœur du récit. Lors du tournage, beaucoup de choses peuvent prendre une direction imprévue. Et quand tout va bien, lors du montage, on retrouve le chemin de l’idée d’origine. Ce qui compte, c’est que cette idée, l’intention initiale, soit formulée avec suffisamment de clarté. Je reçois beaucoup de scénarios à lire – et c’est à ce niveau-là qu’ils clochent souvent.

 

Tamara Trampe est née en 1942 à Voronej, en Russie. Elle travaille comme dramaturge dans le studio fiction de la DEFA à Potsdam entre 1970 et 1990 et siège dans le jury de sélection du festival Dok-Leipzig de 1993 à 2001. Elle est réalisatrice, auteure et dramaturge indépendante depuis 1990. Elle enseigne à la DFFB à Berlin. Elle a coréalisé plusieurs films avec Johann Feindt, dont « Weisse Raben – Alptraum Tschetschenien » (2005), « Wiegenlieder » (2010), « Meine Mutter, ein Krieg und ich » (2014).

 

▶  Texte original: allemand

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