Editorial

Regards perdus

Françoise Deriaz, rédactrice en chef

La conception, la production et la réalisation d'un film exigent maintes qualités, mais aussi une persévérance de coureur de fond (et de fonds!). Qu'ils carburent à la passion du cinéma, au désir de scruter le monde, à l'ambition ou à la harangue, les cinéastes appréhendent tous l'appréciation de la critique. Balayé d'un coup de plume par un tel qui avait mal aux dents le jour de la vision de presse, le résultat de mois et d'années d'efforts captivera peut-être tel autre, intéressera vivement un troisième, incitera enfin un quatrième à analyser minutieusement le film pour mettre en évidence ses forces et ses faiblesses.
Cette diversité des regards et des plumes critiques est aujourd'hui en voie de disparition. La variété des points de vue, tout comme l'espace réservé dans la presse à ce genre de journalisme de cinéma, ont fondu comme neige au soleil. La situation est si préoccupante que Ciné-Bulletin y consacre l'essentiel de ce numéro. Faut-il dès lors que la Confédération aide la critique de qualité au même titre que le cinéma? On pourrait évidemment imaginer la création de sites internet, de revues indépendantes et bien d'autres formes de sauvetage. C'est pourquoi nous invitons tous les cinéastes – réalisateurs, producteurs et techniciens – à prendre leur plume pour s'exprimer dans Ciné-Bulletin sur le futur de la critique, mais sans jamais perdre de vue qu'un regard s'exerce et s'affine en voyant des films du monde entier, des oeuvres du patrimoine, et non seulement des productions suisses.