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Um zu übersetzen - « Nous voulions sonder une mentalité »


29. Juli 2015

Comment Jan Gassmann et Michael Krummenacher ont-ils eu l’idée de réaliser un film collectif sur la Suisse ? Zoom sur les discussions auxquelles le projet a donné lieu.

Qu’est-ce qui vous a donné l’idée d’initier un film collectif sur la Suisse?

Michael: Nous nous sommes rencontrés à la HFF de Munich, où nous avons tous deux étudié, Jan le documentaire, moi la fiction. Nous nous entretenions régulièrement au sujet de la Suisse. Les médias allemands, nos collègues, nous tendaient souvent un miroir, on nous demandait notre avis en tant que réalisateurs sur certains projets politiques radicaux tels que l’interdiction des minarets ou l’initiative sur le renvoi. Nous nous sommes alors rendu compte qu’il serait important de nous confronter à notre pays d’origine à travers un film, et cela conjointement avec d’autres réalisateurs.

 

A qui vous êtes-vous adressés?

Jan: Nous avons abordé des amis actifs dans le domaine du cinéma, ou alors des réalisateurs dont nous connaissions les films. Le projet trouva vite un grand écho. Nous avons également constaté la nécessité de prendre position politiquement et de nous pencher sur notre pays. Nous avons pu réunir 30-35 idées de sujets, parmi lesquelles nous en avons ensuite sélectionné neuf avec Stefan Eichenberger et Michèle Wannaz.

Quels furent vos critères de sélection?

Jan: La notion d’introspection. Nous voulions différents personnages suisses qui permettraient de sonder une mentalité. Nous nous sommes aussi demandé ce qui pourrait fonctionner ensemble : nous ne voulions pas créer neuf courts métrages, mais quelque chose en commun.

Michael: Nous voulions d’un côté un bon mélange de sujets et de milieux, et de l’autre, nous étions à la recherche de quelque chose qui permettrait d’exprimer une vision commune. Ceci était important pour nous dès le début.

 

Le motif de l’orage était-il donné d’entrée?

Michael: Oui, en tant qu’élément externe qui donnerait une cohésion aux épisodes, qui leur servirait de moteur. En revanche, ce n’est que vers le milieu du processus que nous est venue l’idée de la fin du film. On trouve à la fin du film une allusion claire à « La barque est pleine » de Markus Imhoof, lors de la scène du passage de la frontière, quand les réfugiés juifs sont renvoyés en Allemagne nazie.

Jan : « La barque est pleine » raconte un chapitre sombre de l’histoire suisse. Mais apparemment, les schémas se répètent. Ce n’était pourtant pas notre intention de citer le film : nous avons examiné une centaine de postes frontière avant de choisir, sans le remarquer, le même pont (à Diepoldsau) que celui qui figure dans « La barque est pleine ». Mais ce n’est que pendant le tournage que nous nous en sommes rendu compte.

 

En tant que phénomène météo, le gros nuage au-dessus de la Suisse est purement fictionnel. Avez-vous choisi le genre apocalyptique ou catastrophe comme prétexte pour raconter le présent, la situation actuelle?

Jan: Nous tenions moins au genre qu’aux personnages, qui montrent un kaléidoscope de la Suisse à travers ses différents milieux. Et bien sûr, à ce que cette situation extérieure pourrait déclencher chez ces personnages.

Michael: Ce que nous fictionnalisons est comme une vision d’horreur, une métaphore de ce qui pourrait arriver si la Suisse continuait sur le même chemin. C'est un pays très sûr, du moins à première vue : la fiction nous a aidé à briser cette image et permis un nouveau regard sur le pays. Donc oui : il s’agit plus de la situation actuelle que de fiction. Mais nous ne voulions pas que ce nuage vienne de l’étranger, nous voulions qu’il surgisse des montagnes, de la Suisse profonde, qu’il naisse de quelque chose qui s’y trouve depuis longtemps…

Qu’est-ce qui vous a donné le plus ma­tière à débattre, en termes de contenu politique ?

Michael: Lorsque nous avons cherché à décrypter notre position commune vis-à-vis de la Suisse, cela a donné lieu à de longues discussions sur le sujet de l’isolement, sur le fait que la Suisse est de plus en plus isolée du point de vue politique. Ce que nous rejetons tous. Ensuite, nous avons commencé à appliquer cette idée d’isolement à nos différents personnages.

Jan: Nous nous sommes aussi demandé comment faire un film politique, même si c’est quelque chose qui existe déjà. Dans son épisode chaque auteur était pour ainsi dire à la recherche de sa propre Helvetia, de sa propre parabole. Le défi fut ensuite de réunir cela en un tout cohérent.

Michael : Nous voulions éviter de faire un film à thème, avec un épisode sur le secret bancaire, un sur la question de l’immigration, etc. Nous trouvions cela trop schématique, et peu satisfaisant vu la longueur des épisodes. Nous nous sommes donc détournés des thèmes pour nous consacrer aux personnages.

Concernant la notion de «film de génération», vient-elle de vous? C’est aussi un argument de vente, lorsque l’on parle de la «déclaration d’une génération».

Michael: Il est vrai que nous avons décidé de rester dans notre catégorie d’âge, c’est-à-dire entre la fin de la vingtaine et la mi-trentaine. Et nous nous sommes rendu compte que les personnes talentueuses et intéressantes sont bien plus nombreuses que nous ne l’avions imaginé – nous aurions facilement pu interpeller plus que 35 personnes. Le projet a intensifié les contacts entre les réalisateurs de notre génération – sans vouloir abuser du terme. Ce fut déjà un effet secondaire agréable.

Jan: Mais nous n’avons pas signé de manifeste!

 

Seriez-vous prêts à vous relancer dans un projet collectif d'une telle envergure, ou cela représente-t-il un effort trop important?

Michael : Je ne me relancerais pas tout de suite… Mais dans l’ensemble ce fut une très belle et très enrichissante expérience. Notamment parce que le projet a donné lieu à des rencontres. Il a aussi permis à des choses de voir le jour, qui ne ne l'auraient peut-être pas pu si tout avait été écrit de la même plume. Ce qui fut plus éprouvant, c’est qu’il fallut faire preuve de beaucoup de compétences démocratiques, il a fallu produire quantité de mails et de coups de fil pour discuter de petits problèmes que l’on résoudrait normalement seul.

 

Il n'est indiqué nulle part quel auteur a réalisé quel épisode. Est-ce que cela fait partie de la philosophie du film collectif?

Michael: Nous avons beaucoup lutté pour que les épisodes se fondent en un tout. Ce fut difficile. Nous n’avons donc pas voulu remorceler le film a posteriori. Le film est ainsi une réalisation de nous tous.

Jan: On finira bien entendu par apprendre d’une façon ou d’une autre qui est l’auteur de quel épisode. Mais le débat que nous aimerions initier doit partir du film dans son ensemble. Un film collectif ne doit pas devenir le showreel de dix réalisateurs différents. Nous nous sommes tous soumis à ce principe.

 

Kathrin Halter

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